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Qui sont les wikipédiens?Nicolas Ritoux
La Presse
Collaboration spéciale
Une encyclopédie libre et gratuite que chacun peut améliorer. Voilà comment se présente Wikipedia, une source, disponible sur Internet, apparemment intarissable d'information. Mais qui donc sont ces gens qui, en combinant leur travail, ont déjà mis plus de 5 millions d'articles en ligne, dont 351 591 en français?
La semaine dernière, l'Union astronomique internationale a retiré son statut de planète à Pluton. Il faudra attendre des mois et couper bien des arbres avant que les livres d'astronomie et les encyclopédies reflètent ce changement. L'encyclopédie collaborative Wikipedia, elle, l'a ajouté dans ses pages en moins de 24 heures.
La force de Wikipedia, c'est cette capacité à être mise à jour constamment, à mesure que les faits et les connaissances évoluent. Lors de la récente crise au Liban, on a pu voir chaque journée du conflit détaillée le lendemain matin, presque à la même vitesse que les médias d'information.
Mais si cette encyclopédie est devenue aussi efficace après cinq ans, grossissant à vue d'oeil jusqu'à devenir un des sites les plus visités du Web, c'est grâce au travail acharné d'encyclopédistes en herbe qui remplissent ses pages bénévolement.
Petit rappel: Wikipedia, comme tous les sites basés sur la technologie Wiki, permet à ses visiteurs de modifier librement ses pages en quelques clics. Contrairement à des forums Web, les sites Wiki n'imposent pas au lecteur de traverser des pages de discussion avant de trouver ce qu'ils cherchent. Et, contrairement aux blogues, ils ne sont pas l'espace d'expression de quelques personnes, mais de tous leurs visiteurs. La qualité de leur contenu, de même que leur crédibilité, dépend directement du consensus entre tous leurs visiteurs.
Encore faut-il qu'il y ait des visiteurs assez acharnés et prêts à passer des heures à rédiger des pages d'informations complexes, sans être payés.
«Dans Wikipedia, il y a 20 lecteurs pour un collaborateur», estime Sébastien Paquet, ancien chercheur au CNRC et «gourou des wikis» chez Social Text, une entreprise de la Silicon Valley qui crée des systèmes similaires dans des intrants d'entreprises. «Il y a en outre deux catégories de collaborateurs:ceux qui font des petites corrections de langue, qui n'ajoutent pas de contenu mais améliorent la qualité de l'écriture et ceux qui écrivent du contenu nouveau, qui sont encore plus rares.»
Spécialistes du cure-dent«Ils peuvent être des experts reconnus dans leur spécialité, ou des amateurs passionnés, poursuit M. Paquet. Qu'il s'agisse de la construction de structures en cure-dents ou de la dynastie babylonienne, on trouve toujours des gens prêts à écrire sur n'importe quoi dans leurs temps libres. Ils se sentent motivés par un grand espace blanc. Ce sont les mêmes qui faisaient leurs propres sites Web sur toutes sortes de sujets avant qu'on invente Wikipedia.»
Le phénomène est similaire dans d'autres wikis, comme Wikitravel.org, un guide de voyage collaboratif créé à Montréal par deux Américains, qui compte 5000 usagers enregistrés dans sa version anglaise. «On a calculé qu'un petit pourcentage de nos visiteurs contribuent autant que les 90% restants», dit Michele Ann Jenkins, cofondatrice de Wikitravel.
Selon elle, la plupart des lecteurs de Wikitravel ont de une à cinq contributions à leur actif. En revanche, elle voit une minorité de gens qui passent plusieurs heures par jour à travailler sur son site, dont beaucoup d'étudiants et de retraités. Le record est détenu par un étudiant britannique qui aurait passé jusqu'à 12 heures par jour à écrire pour Wikitravel.
«Leur motivation est la même qui pousse certains lecteurs de journaux à appeler la rédaction quand ils voient une faute d'orthographe ou une phrase mal tournée. Dans un wiki, ils peuvent modifier le texte eux-mêmes immédiatement. Ils sont aussi motivés, j'imagine, par une quête de reconnaissance en tant qu'experts dans leurs sujets de prédilection», pense Mme Jenkins.
Matthew McLaughlin collabore activement à Wikipedia. Sous son pseudo «Le Montréalais», il a rédigé des centaines de pages dans l'encyclopédie depuis 2002, aussi bien en anglais qu'en français. Il a même fait partie du Top 400 des collaborateurs anglophones de Wikipedia les plus actifs. «Mais le nombre de collaborateurs est plus important que le nombre de contributions de chaque collaborateur», rappelle-t-il en toute modestie.
Le wikipédien a horreur du vide«J'ai écrit la plupart des articles concernant la géographie canadienne, qui ont ensuite été améliorés par d'autres collaborateurs. J'ai participé aussi aux articles sur les systèmes de métro, la politique, la monarchie dans l'histoire et les articles liés à la communauté gaie et lesbienne», dit-il.
Moins actif qu'aux débuts de l'encyclopédie, quand beaucoup de pages étaient encore blanches, il ne passe «plus» que deux ou trois heures par semaine à modifier ses pages. «Maintenant, j'interviens quand je trouve une erreur dans la grammaire ou dans les faits relatés dans un article», dit-il. Traducteur professionnel, il dit trouver assez de temps libre grâce à son statut de travailleur autonome.
Quand il rédige sur un sujet, «Le Montréalais» essaie d'être aussi professionnel que possible... même s'il n'est pas payé. «Je m'efforce de faire des recherches avant d'écrire sur un sujet, sur Internet ou dans mes livres, à moins que je le connaisse déjà très bien.»
«Je suis surtout motivé par le plaisir de la connaissance, et l'horreur du vide, explique-t-il. Quand je trouve un article vide, ça me démange horriblement, et je dois absolument le remplir. Parfois, je prends mon ordinateur pour cinq minutes, et je me retrouve à travailler dessus pendant deux heures.»
Mais si des gens comme lui mettent leur plus belle prose en ligne pendant des heures, n'importe qui peut venir effacer et refaire leur travail. C'est le principe de base d'un wiki. Ce risque qui pourrait paraître frustrant n'a pourtant pas l'air de repousser les initiatives.
«Il faut bien comprendre qu'un wiki a une approche collaborative, et qu'on ne sera pas le seul à participer», rappelle Anne Goldenberg, qui fait son doctorat en communications à l'UQAM. Elle co-organise le deuxième congrès annuel Recent Changes des collaborateurs de Wikipedia, qui aura lieu à Montréal au printemps 2007.
«On peut être tenu au courant des changements apportés à la page qu'on a créée, et discuter entre collaborateurs d'une même page, poursuit Mme Goldenberg. On a donc la possibilité de faire valoir son point de vue, et participer aux débats que provoquent nos écrits. Même si notre point de vue disparaît d'une page, on aura quand même la gratification d'être reconnu par les autres comme quelqu'un qui a fait l'effort de contribuer.»
Un pour tous ou tous pour un?Le système de collaboration se heurte à un obstacle quand des wikis tentent de s'établir comme source de connaissance objective, comme c'est le cas pour Wikipedia. Une grande quantité d'encre a été versée pour critiquer la fiabilité des «faits» relatés dans cette encyclopédie ouverte à n'importe quel soi-disant expert. Ses administrateurs ont d'ailleurs mis en place plusieurs politiques et outils pour corriger ce problème au mieux ( www.wikipedia.org/wiki/Systemic_bias).
Les wikipédiens pur-sang ne croient pas que le risque de parti pris et d'erreurs factuelles soit plus grand que dans une encyclopédie commerciale créée par une poignée d'auteurs. En bref, ils estiment que le système du «tous pour un» est tout aussi efficace que celui du «un pour tous». Son seul défaut, c'est d'être un concept nouveau dans notre monde.
Selon Sébastien Paquet, il est difficile de définir ce qui est un parti pris. «C'est vrai que la façon dont fonctionne un wiki a tendance à attirer certains types de personnes plus que d'autres. Aux débuts de Wikipedia, il y avait beaucoup d'opinions de gauche, par exemple. Aujourd'hui, il y a tout autant d'opinions conservatrices», dit-il.
Outre le parti pris politique, il y a le profil démographique. «Les collaborateurs de Wikipedia correspondent au profil des utilisateurs d'Internet en général, qui ne représentent pas toute la population», reconnaît Anne Goldenberg.
«Mais les encyclopédies commerciales sont aussi créées par des gens appartenant à un certain profil démographique. Une encyclopédie publiée à Paris ou à Londres reflète la vision de l'élite française ou britannique. Dans Wikipedia au moins, on a accès à une page de débats pour chaque article, qui reflète les controverses liées au sujet, et où tout le monde peut faire valoir son approche.»
M. Paquet rappelle en outre qu'une bonne partie de Wikipedia a été constituée de contenus provenant du monde de l'édition traditionnelle, et relevant du domaine public - les oeuvres protégées par le droit d'auteur sont formellement interdites dans les wikis. Des pages de l'encyclopédie Britannica 1911 ont ainsi été numérisées dans Wikipedia, de même que des documents gouvernementaux comme l'atlas géopolitique de la CIA ( www.cia.gov/cia/publications/factbook).
sursa: www.cyberpresse.ca